déc 25
Le vent s’est levé, il descend directement de l’Actar, notre rue est froide. On ne le sent plus au Palais de justice. Je me suis documenté ces derniers jours sur la guerre de sept ans. Elle était déjà plus mondiale que celle de trente ans, et plus navale aussi.
Je cherche depuis longtemps à mieux comprendre comment les puissances européennes étaient parvenues à mobiliser dans leurs guerres tant de nations lointaines. J’ai depuis longtemps avancé l’hypothèse que ce fut plutôt l’inverse. Les peuples exotiques ont d’abord mobilisé les navigateurs occidentaux pour combattre leurs voisins. Ils étaient venus « ivres d’un rêve héroïque et brutal », comme l’avait écrit José-Maria de Heredia, ils n’avaient pas d’aussi bons bateaux que l’Asie, mais ils étaient solides et bien armés ; ils faisaient donc d’excellents mercenaires. Les souverains locaux les rémunéraient en leur accordant d’établir des comptoirs commerciaux.
La guerre économique était furieuse entre les royaumes d’Europe. Chaque nation établissait des comptoirs dont elle s’octroyait l’exclusivité des exportations. Les navigateurs ne cherchaient manifestement pas d’abord à envahir des terres. Ils n’y songeaient même pas. Ils contrôlèrent le commerce, puis de là, l’administration. Ils désiraient surtout s’emparer des ressources qui leur étaient vitales : le coton, le bois, le café, le tabac, le sucre, les épices… L’idée n’était même pas d’y envoyer des colons, pendant longtemps ils furent surtout des proscrits dont on se débarrassait. L’on n’avait même pas à envoyer des troupes d’occupation : on les recrutait sur place.
« Les monarques exotiques devaient être bien bêtes pour s’être laissés jouer ainsi », conclut Sinta qui m’écoute avec intérêt, connaissant moins que moi l’histoire de l’Occident Moderne. « Les Japonais comptent parmi les rares peuples qui n’y cédèrent pas, mais rien n’était bien précieux au Japon » raisonne-t-elle.
À vrai dire, personne ne connaît bien cette histoire. Elle n’est ni celle de l’Occident, ni celle de l’Orient, ni moins encore celle des civilisations disparues d’Amérique ou d’ailleurs. Elle est celle de tous ensemble, et donc celle de personne. J’attends beaucoup de nouveaux historiens qui seront capables d’embrasser l’histoire de toutes les civilisations en même temps.
© Jean-Pierre Depétris, octobre 2025
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