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Choses quon ne perçoit
quaprès les avoir conçues
On a lu mon texte Choses quon ne perçoit quaprès les avoir conçues, dans une version légèrement abrégée. (La version complète a été publiée dans A TRAVERS CHAMPS N° 2/3, automne 1997, et quelques extraits étaient parus dans Doc(k)s 10/11/12, 1996.) Cétait une bonne occasion, alors que les élèves ont commencé à shabituer à moi, de leur permettre de me connaître un peu.
Il y a souvent dans mes écrits des remarques pratiques sur lécriture. Moins systématiques, elles sont souvent plus claires et plus facilement appropriables que dans mes essais. Choses quon ne perçoit quaprès les avoir conçues est particulièrement propédeutique.
Dans le parc, près du collège, on a lu à haute voix, comme on avait fait avec Michaux, et lon a librement parlé de ce que javais écrit. Les élèves ont ensuite été invités à écrire à leur tour, sur place, daprès modèle, puis on est rentré saisir les textes sur un logiciel de courrier pour me les adresser.
Javais eu la plus grande peine à me faire comprendre sur limage poétique avec les poèmes de Pierre Reverdy. En travaillant sur mes propres textes, jai eu limpression que ce que je leur avais dit la fois davant devenait soudain plus clair, et peut-être que, sans le savoir, ils mavaient finalement bien compris. (Mais il est vrai que Sylvie Liotier était intervenue en solo entre temps.)
Il est quand même bien plus facile de saisir « les intentions de lauteur » quand on la à côté de soi, assis dans lherbe, et quon peut directement les lui demander.
Tout cela sest accompli en deux heures, trajets au parc inclus, ce qui confirme ma conception que ce qui ne se fait pas vite ne se fait plus, surtout avec la jeunesse qui est plus vive que pénétrante. Sa force de pénétration dépend dabord de la vitesse acquise et de lélan.
Le travail au clavier, lui, me pose depuis le début de très gros problèmes.
Le passage dun texte manuscrit, qui nest quune vague ébauche maladroite et fautive, en un texte édité et correctement retravaillé, nest pas une petite affaire, même pour un professionnel.
Lusage intelligent doutils linguistiques devrait permettre pourtant à un enfant dy parvenir : correction orthographique, correction typographique, grammaticale, dictionnaire des synonymes ; et sans doute laide dadulte ayant souci tout à la fois de la langue et de la perfection informatique. (Il mest dailleurs arrivé, à partir de mon site, de recevoir des courriels de correspondants manifestement très jeunes qui semblaient bien savoir se servir dun clavier et dun modem.)
Une souplesse et une simplicité des outils seraient aussi nécessaires, ainsi qu'une aisance à passer du format propriétaire, au texte brut et au format html.
Ceux qui ne comprennent même pas de quoi je parle nen mesureront peut-être que mieux mes difficultés.1
Dernière séance en ligne :
Nous prolongeons ce travail dans la prochaine séance.
Tout dabord, les élèves continuent et corrigent, à partir de mes retours par courriel, ce quils ont commencé.
Ensuite, ils reviennent à mon texte :
Chacun est invité à le relire en ligne et à y butiner des mots (qui lui sembleront jolis, bizarres, intéressants, nouveaux, ) Il les réutilise en bâtissant ses propres phrases. Il fait ce travail sur lécran, en copiant et collant de mon site à sa page. Puis il m'envoie son texte par courriel, pour que je le corrige ou le critique en ligne.
1. La trop grande difficulté à s'approprier les outils informatiques — qui est loin d'être pire qu'ailleurs au Collège Gérard Philipe — tient de toute évidence à ce qu'on en privilégie et popularise bien trop un usage uniquement consommateur : musique, vidéo, jeux, information, commerce.
Pourquoi sétonner encore quand on confie lavenir de la langue française à Microsoft, et que lAcadémie traduit « hacker » par « pirate » ?
Il ny a pas une nouvelle façon de communiquer. Il y a dabord une bonne écriture servie par une bonne typographie et rendue fluide et stable par un bon code. Cest ce que je souhaiterais qu'au moins les nouvelles générations comprennent.
© Jean-Pierre Depétris, 2002